Le chef de l’État se confie dans Conversations privées avec le Président
Confessions et propos peu flatteurs pour son pré-bilan. Les journalistes Antonin André d’Europe 1 et Karim Rissouli de France 5 ont rencontré 32 fois François Hollande, entre le 17 février 2012 et le 24 mai 2016, afin de préparer l’ouvrage. Sur 350 pages, ils ont recueilli en temps réel de longs monologues du Président de la République, à travers lesquels il livre sa vérité, ses hésitations, et ses doutes sur les évènements heureux et tragiques de son mandat.
Extraits de quelques déclarations choc
J'ai fait cette annonce de l'inversion de la courbe du chômage parce que je croyais encore que la croissance serait de 0,7-0,8, elle sera finalement de 0,1 ou de 0,2. Puis je répète cet engagement lors des vœux le 31 décembre 2012. J'ai eu tort! Je n'ai pas eu de bol ! En même temps j'aurais pu gagner.
J'aurais pu matériellement faire interdire le livre. Les éditeurs et peut-être même Valérie ont pensé que j’aurais été capable, si j'avais su que le livre sortait, de le faire interdire ! Ils l'ont fait éditer à l'étranger ! C'est quand même une conception du pouvoir totalement étrangère à la mienne. [...] Aujourd’hui c'est impossible. Ne serait-ce que parce qu'il peut y avoir un livre sur internet.
J'assiste à cette folie qui s'empare des chaînes d'information, qui multiplient les interviews de cette gamine avec une complaisance inouïe ! On sait maintenant que Libé a payé 50 euros pour l'interviewer ! Ça en dit long sur notre système d'information ! Peut-être que les chaînes d'info l'ont aussi payée ?! Qui sait ?
Sa ligne est la même que celle qu’il défendait en 1986 lorsqu’il était ministre de Chirac, la même que lorsqu’il était à Matignon en 1995. Il sera le candidat de la droite libérale mâtinée d’un peu de chiraco-gaullisme pour la politique étrangère.
J’ai pris des décisions lourdes pendant ces 3 jours (en janvier 2015 pendant la traque des auteurs de l’attentat de Charlie Hebdo, ndlr), mais finalement moins lourdes que sur le Mali ou la Centrafrique. Des soldats sont morts là-bas et c’est moi qui les ai envoyés. La mort d’Hervé Gourdel, ça aussi c’est ma responsabilité. Là, j’ai montré que le pays était dirigé. Dirigé par moi. Le pays est tenu. Il y a eu un moment où tout aurait pu basculer dans la rancœur, la haine. Ça n’a pas été le cas. La France s’est découverte elle-même, elle a montré qu’elle avait confiance en elle, notamment à travers la reconnaissance internationale de ce que le pays représente et de ce que son président représente.
Le mariage ? Je n’y suis pas opposé par principe, mais j’arrive à un âge où ça devient moins probable. Mais c’est possible, oui…
Bolloré éradique tout ce qui pouvait être esprit contestataire, à commencer par Les Guignols. [...] Quand Bolloré est venu me voir, il m'a dit : 'On va reprendre Le Grand Journal, Les Guignols ça deviendra une émission internationale'. Puis il me dit qu'il va faire venir une nouvelle génération de comiques : Dany Boon et Arthur ! Comme il a un physique plutôt moderne, Bolloré, on ne le voit pas venir mais c'est un catho intégriste en réalité ! […] Je pense qu'il faut se méfier de Bolloré. Mais pas simplement politiquement. Ceux qui ne s'en sont pas méfiés sont morts. C'est un pirate !
Qu'est-ce qu'on va retenir du quinquennat ? La réforme sur la fin de vie, le service civique, le développement du numérique, la loi santé... Il faut absolument en terminer avec l'idée que François Hollande, c'est le pacte de responsabilité, le mariage homosexuel, les rythmes scolaires et les impôts. Il y a déjà des moments forts qui peuvent laisser une trace dans l'histoire de ce quinquennat. En politique extérieure notamment : le Mali, la Syrie. Pour la politique intérieure, la loi Macron, la loi sur la transparence, ou encore la conférence sur le climat. On peut déjà constituer un certain nombre de temps réussis, de symboles. [...] L'international fait beaucoup pour la trace qu'on laisse.
Si je perds la présidentielle, j'en prendrais pour cinq ans. J'aurai 67 ans en 2022, donc si je perds j'arrête la politique. Que Pourrais-je faire ? Me représenter pour être député ou maire de Tulle ? Comme Giscard en son temps ? Mais lui était jeune. Il avait 55 ans. Sarkozy est jeune aussi. Quand on a été un jeune président, même si on a été confronté à la défaite, on peut revenir. Moi non.