Sur la photo, Nicolas Sarkozy a l'air ravi ett surpris, mais l'apparence est trompeuse. Sa rencontre du 12 septembre avec le président Bush, à la Maison Blanche, a été soigneusement préparée. Et la photo n'a été diffusée qu'après de solides négociations entre Paris, Washington, les ambassades et les conseillers. Dans l'ordre du protocole, le président des Etats-Unis n'est pas censé recevoir de ministre de l'intérieur, fût-il présidentiable, dans le bureau Ovale. Lorsqu'il entend faire une faveur, et saluer le représentant d'un pays ami, M. Bush passe "à l'improviste" dans le bureau de son conseiller à la sécurité nationale Stephen Hadley. Les photos sont rarement diffusées. Pour M. Sarkozy, l'"improviste" avait été fixé à 13 h 15. Selon l'entourage du ministre, Jacques Chirac était au courant du projet d'entretien avec M. Bush. Il en aurait été difficilement autrement : l'ambassadeur de France aux Etats-Unis, Jean-David Levitte, est un proche du président français. L'autre artisan de la rencontre, Craig Stapleton, l'ambassadeur américain à Paris, est un cousin éloigné de M. Bush. La partie française avait tenté de négocier une "photo op" (photo opportunity), comme disent les Américains pour désigner une séance photo faussement impromptue. Ce fut sans succès : les entretiens non protocolaires sont fermés à la presse. La délégation n'a même pas pu se faire accompagner de son propre photographe. La Maison Blanche est une forteresse. Depuis quelques semaines, les journalistes accrédités ne sont même plus logés dans le bâtiment mais de l'autre côté de la rue. Motif officiel : la salle de presse est en réfection. La seule photo éventuellement disponible de la poignée de main Bush-Sarkozy serait donc celle du photographe officiel de la Maison Blanche. Il restait à obtenir que la présidence américaine veuille bien la diffuser. La partie française a accepté de laisser le choix du cliché aux Américains, pour peu que le ministre ne soit pas à son désavantage. Signée Kimberlee Hewitt, la photo a été diffusée aux agences de presse, après accord du Conseil de sécurité nationale. Reuters et l'Agence France Presse l'ont mise sur les fils. Du coup, l'entretien, non officiel, a été officialisé. Pourquoi déployer tant d'efforts pour se montrer au côté d'un homme qui n'est pas au sommet de sa popularité en Europe ? Dans son discours, M. Sarkozy a donné un élément de réponse. Il ne croit pas à l'antiaméricanisme des Français. La preuve, a-t-il dit, "rien ne les rend plus fiers que de voir un acteur français dans un film américain".
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