L’hebdomadaire propose dans ses pages une nouvelle photo qui divise l’opinion. Après des éditions insoutenables montrant les corps des frères Kouachi ou encore l’attentat de Nice ainsi que des images choc de la vidéosurveillance, Paris Match publie cette semaine en double page une photo d'Abdelkader Merah au Tribunal de Grande Instance de Paris. Sur une seconde photo on voit sa mère et en arrière-plan Fettah Malki, condamné à 14 ans de prison pour avoir fourni une arme et un gilet pare-balles. Abdelkader Merah a été reconnu coupable d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste et condamné à 20 ans de prison.
Nous n'avons pas pris nous-mêmes ces photos et nous ne les avons pas achetées. Nous nous sommes retrouvés avec ce matériel et nous avons décidé de les publier pour leur portée historique. Nous assumons totalement, c'est un choix délibéré. […] Le regard dans le vide de Merah avant l'annonce du verdict permet d'aller au-delà du procès.
Pourtant la loi sur la liberté de la presse de 1881 est clair : il est interdit de prendre des photos durant un procès et de les diffuser. Sauf autorisation du Président du Tribunal, chose qui n’a pas été accordé. Si le magazine plaide le droit à l'information, ce cliché illégal l’expose à 4 500 euros d'amende, la confiscation des exemplaires imprimés et l'interdiction de diffuser cette photo sur ses supports numériques.
Trois familles de victimes demandaient à ce que le procès soit filmé, cela leur a été refusé. Oui, cette photo est informative. Elle montre l'accusé souriant, défiant et se moquant de la justice comme des victimes. Oui elle révèle des éléments de sa tenue, symboliques de son fanatisme salafiste. Oui les photos de Barbie, de Göring, du terroriste Carlos, hilarent lors de leur procès, sont des témoignages pour l'Histoire. D'innombrables photos d'accusés ont été publiées. Cette publication intervient une semaine après la fin du procès. Oui, nous assumons de remplir notre devoir d'informer.
Le parquet de Paris a ouvert une enquête.
Les journalistes de presse judiciaire, qui respectent la loi, sont agacés par cette publication. Ces derniers espèrent que l’attitude de Paris Match ne leur supprimera pas d’autres moyens de faire leur travail, comme le live-tweet aujourd’hui toléré mais qui pourrait être interdit à l’avenir. Mais aussi la présence d’ordinateurs et de magnétophones de journalistes, durement négociés, afin de retranscrire un procès.
Pour moi, ce qu'a fait Paris Match est grave. Ça ajoute des complications supplémentaires aux 200 journalistes de presse judiciaire qui se battent pour bosser convenablement. Mais eux, chez Paris Match, ils s'en foutent : ils n'ont de toute façon plus de journaliste de presse judiciaire...
Il y a déjà des dessinateurs donc on a tous les croquis du procès. Je ne vois pas trop ce que cette photo peut apporter de plus. Pour moi, elle ne contient pas une information car c'est ça qui est journalistique.