Un choix déontologique
Les chaînes de télévision, les radios et journaux sont au cœur du dilemme. Monter ou non les clichés d’auteurs d’attaques terroristes en France ? Et leurs noms, complets ou juste des initiales ? Des décisions importantes à une époque où de nombreuses informations sortent sur les réseaux sociaux, que les médias traditionnels pourraient être accusés de censure en évitant de diffuser des informations, tout en suivant les directives des autorités de ne pas entraver le travail des enquêteurs. Sansure vous donne le nom des médias...
Ceux qui ne diffuseront plus les photos d’auteurs d’attentats :
BFM TV : la chaîne info en continue arrête de « créer un trombinoscope des terroristes ». Elle attendra les informations du procureur François Molins avant de communiquer des éléments, comme le nom du ou des auteurs. Si Molins le fait, BFM TV aussi.
RTL : la première radio de France annonce qu’elle « ne diffusera pas de photographies des terroristes afin de ne pas participer à une éventuelle recherche de notoriété de ceux qui commettent des actes de barbarie en France ». En revanche elle communiquera « leurs noms lorsque la justice le fera ».
Europe 1 : la radio du groupe Lagardère va plus loin et ne proposera plus sur son site internet de photos de terroristes et ne donnera pas leurs noms à l'antenne.
La Croix : le journal rejoint ses confrères en décidant « de ne rendre publics désormais que le prénom et les initiales du nom des gens impliqués dans des affaires de terrorisme, pour ne pas en faire les héros médiatiques de leur propre dérive. […] En ces temps troublés, la question de la responsabilité des médias doit sans cesse être reposée. »
France 24 / RFI / Monte Carlo Doualiya : Les diffuseurs de France Médias Monde groupe se contenteront d’utiliser les noms des terroristes qu'avec parcimonie. “La décision prise par nos comités de rédaction est en ligne avec notre pratique établie de ne pas publier tout type de message de propagande, y compris les publications qui prétendent crédit aux attaques terroristes.”
France info : le site internet de la radio, qui aura bientôt une chaîne de télé en continue du même nom, ne publiera plus de photos d'auteurs d'actes terroristes.
Ceux qui continueront à diffuser les photos de terroristes :
Le Monde : le quotidien a dans un premier temps annoncé sa volonté d’arrêter la publication de visages « pour éviter d'éventuels effets de glorification posthume ». Puis a précisé à sa rédaction que cela portait « principalement sur des images tirées de leur vie quotidienne ou sur celles, souvent prises par eux-mêmes, précédant leur passage à l’acte ». En d’autres termes, elle continuera à diffuser les photos d’identités ou apportant différents type de preuves, se réservant le droit de les commenter et les recadrer.
Libération : le journal ne changera rien. Son directeur de publication, Laurent Joffrin, pense que cesser l’impression des photos des terroristes est une fausse bonne idée : « Croit-on sérieusement qu’en étant privés d’image, les terroristes s’en trouveront modérés, ralentis, dissuadés ? […] une photo publiée ou retenue ne changera rien à (leur) stratégie. […] Mieux vaut, pour les citoyens, regarder la menace en face. […] La meilleure résistance consiste aussi, en même temps que de lutter avec la dernière énergie contre l’entreprise terroriste, à faire fonctionner normalement les mécanismes de la démocratie. La liberté d’informer en fait partie. L’écorner, c’est déjà faire une concession au terrorisme.»
Mediapart : le site publiera les photos d’auteurs d’attentats. Le journaliste Antoine Perraud estime qu’il faut « faire face, avec distance ». Il ajoute également qu’un « tel aveuglement collectif, décidé d’en haut, s’avère d’abord sociologiquement provocateur. […] N'est-ce pas renvoyer davantage à son invisibilité un pan entier de la société, avec une violence symbolique décuplée parce que nationale, donc à même de favoriser des phénomènes d’identification au prétexte de les empêcher ? »
Le Figaro : le journal tenu par Alexis Brézet publiera les photos et les noms. "Le nom des terroristes est un élément d'information objectif essentiel pour comprendre ce qui se joue sur notre sol, et notre devoir est de le porter à la connaissance de nos lecteurs ou de nos internautes. Ne pas le faire, ce serait alimenter les fantasmes complotistes de tous ceux qui estiment que les médias nous cachent la vérité. […] Il y a, c'est vrai, le risque de 'glorification' des terroristes. Il y a aussi celui de choquer les lecteurs qui peuvent se sentir agressés par ces clichés. Mais, d'un autre côté, il s'agit là encore d'une information dont on voit mal au nom de quel principe nous devrions la dissimuler à nos lecteurs ou à nos internautes. Je crois que tout est affaire de mesure, de prudence et de bon sens. Publier dans nos pages, ou sur notre site, une photo neutre et discrète du terroriste, c'est nécessaire. Surtout, ne tombons pas dans le piège de ce monde imaginé par Orwell où les noms des 'méchants' (où s'arrêtera la liste ?) sont systématiquement effacés des livres d'histoire.”
Marianne : le magazine politique poursuit la publication d’informations sur les terroristes. Renaud Dély précise que "l'essence même du métier de journaliste consiste à informer le public et à lui délivrer des informations complètes, bref à raconter la vérité, toute la vérité et rien que la vérité, même si celle-ci est douloureuse [...] Le fait de masquer une partie de cette vérité ne peut avoir qu'un effet contre-productif dévastateur pour la société elle-même."
L’AFP : en tout logique l’Agence France Presse poursuit son rôle d’information sans compromis. Elle communiquera les informations dont elle disposera aux médias, que ce soit les photos et les noms d’auteurs d’attentats.